Il existe dans le paysage médiatique congolais une fracture invisible qui divise la profession, une caste d’élus. Vous les avez certainement remarqués : ces visages qui apparaissent immanquablement dans chaque déplacement ministériel, ces signatures qu’on retrouve systématiquement dans les pools présidentiels, ces voix qu’on entend inlassablement dans les reportages officiels.
Une omniprésence qui interroge, et qui finit par susciter un malaise profond dans la corporation journalistique. C’est le mystère des “indispensables”. À les observer, on pourrait croire qu’ils détiennent un secret professionnel ineffable, une compétence si rare qu’elle justifierait cette exclusivité. Leur particularité ? Être devenus les visages attitrés d’un système qui semble fonctionner par cooptation plus que par compétence.
La réalité est plus prosaïque : à talent égal, à formation équivalente, à expérience comparable, ils ne présentent aucune supériorité manifeste sur la majorité de leurs confrères pourtant relégués dans l’ombre. Cette sélection répétitive obéit à des logiques souvent opaques : la familiarité rassurante pour les services de communication, les réseaux d’influence informels, la peur du regard neuf et critique.
Mais aussi la constitution de cercles fermés qui s’auto-entretiennent. Le résultat ? Une uniformisation dangereuse du traitement de l’information gouvernementale, où les mêmes angles, les mêmes approches, les mêmes sensibilités se reproduisent indéfiniment. Le préjudice est double. Pour le public d’abord, qui se voit privé de la richesse des regards pluriels et de la diversité des points de vue.
Pour la profession ensuite, où des générations entières de journalistes talentueux se découragent, amers de constater que le mérite n’est plus le seul critère de reconnaissance. Cette frustration sourde mine la crédibilité collective des médias et entame la confiance du public. Comment croire en l’indépendance d’une profession quand une poignée de privilégiés semble liée par une relation de dépendance avec le pouvoir ?
Il est urgent que les responsables médiatiques et institutionnels ouvrent les yeux sur cette dérive. La légitimité du quatrième pouvoir repose sur sa capacité à représenter la diversité des talents et des perspectives. Continuer à favoriser systématiquement les mêmes noms, c’est appauvrir le débat démocratique et trahir l’idéal journalistique. Peut-être est-il temps d’instaurer une véritable rotation dans la couverture des événements officiels.
Est-il temps de mettre en place des commissions de sélection transparentes, ou simplement de redécouvrir la vertu de la curiosité éditoriale. Car au fond, le journalisme ne devrait-il pas être cet espace où l’excellence se mesure à la diversité des regards plutôt qu’à la constance des présences ?
TEDDY MFITU : Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR
Commentaires (1)
- Isaac
04 décembre 2025Bonjour je suis à goma RDC