Enlevé puis tué, Okende, le nouveau Chebeya

 

La nation est choquée. La consternation est totale dans le camp de Katumbi. L’émotion est vive après l’assassinat de l’ex-ministre des Transports, désenclavement et voies de communication. Les clichés de son corps retrouvé sans vie dans sa voiture et percé par des balles sont glaçants, mais surtout, font penser au double meurtre des activistes Chebeya et Bazana sous le régime Kabila.

La nation est sous le choc. Le haut cadre du parti de Moïse Katumbi a été assassiné, couvert de sang, bouche ouverte, yeux fermés et son corps penché du côté droit de son véhicule, la ceinture de son siège bien serrée au corps. Un acte de violence brutal et choquant.

Après avoir été enlevé mercredi dans la soirée à la Cour constitutionnelle, d’après ses proches, le porte-parole d’Ensemble, personne ne pouvait imaginer le drame. Pourtant, le secrétaire général de son parti, Dieudonné Bolengetenge avait lancé l’alerte. Okende était parti déposer son recours sollicitant le renvoi d’un jour de la séance de travail prévue jeudi avec le magistrat Sylvain Lumu sur ordre du procureur général près la Cour constitutionnelle, pour rédiger la déclaration de son patrimoine après son départ du gouvernement.

Le garde du corps envoyé par l’opposant pour déposer la correspondance au service courrier du PG n’a plus trouvé à son retour son patron, ni le véhicule qui était en stationnement au parking dans l’enceinte de la haute Cour. Les recherches ont suivi jusqu’à ce que l’infortuné a été retrouvé mort dans sa jeep jeudi 13 juillet 2023 aux premières heures sur l’avenue des Poids-Lourds. Son corps inerte gisait dans le sang. “Son corps présente de multiples impacts de projectiles (donc des balles lancées par une arme à feu)”, confie à Ouragan, un proche arrivé sur le lieu du drame.

Sa famille a constaté son décès comme aussi un magistrat dépêché sur place. Enlevé puis tué, le sang de Chérubin Okende criera vengeance, hurle un de ses frères lors de l’acheminement du corps à l’hôpital du Cinquantenaire. Dans les rangs de l’opposition, on parle d’un “crime d’État à la Chebeya”.

Hier Chebeya aujourd’hui Chérubin

Figure éminente dans le paysage politique, reconnu pour ses convictions et sa loyauté envers sa famille politique, le porte-parole d’Ensemble pour la République était toujours en première ligne pour dénoncer les abus du pouvoir et la corruption gouvernementale. Il avait un engagement sans faille en faveur d’un système politique plus juste et transparent.

Les circonstances de son assassinat présentent des similitudes troublantes avec d’autres meurtres non résolus en RDC, à l’instar du double meurtre des activistes des droits humains Floribert Chebeya et Bazana sous le règne de Joseph Kabila. C’était aussi pendant la saison sèche en début juin 2010. Le jour où le président de l’ONG “La Voix des sans voix (VSV)”, Floribert Chebeya avait été retrouvé sans vie dans sa voiture, le mercredi 2 juin sur une route à la sortie de Kinshasa. Un jour avant, donc mardi, il avait disparu et d’aucuns parlaient d’un enlèvement, (comme c’était le cas avec Okende la nuit de mercredi 12 juillet dernier), avant que la police ne le retrouve puis le transporte à la morgue de l’hôpital général de Kinshasa.

L’assassinat de Chebeya était intervenu alors qu’il devait répondre à l’invitation de la police nationale, aujourd’hui celui d’Okende survient alors qu’il avait aussi reçu une invitation de la Cour constitutionnelle. Comme Chebeya, Chérubin est sorti de sa maison définitivement alors qu’il avait promis à ses enfants d’y retourner.

La tragédie qui conforte la démocrature

La tragédie suscite une vague de consternation et soulève des questions quant à l’existence d’un climat de violence dans lequel les voix dissidentes sont réprimées sans crainte de représailles, a-t-on constaté sur la toile. “Hier Chebeya… Aujourd’hui, Chérubin… crime d’État… crime de sang …Horrible”, a vociféré le journaliste Peter Tiani sur Twitter.

L’opposition se sent lourdement bombardée par l’assassinat odieux de Chérubin Okende Senga, député national élu de la Lukunga et ministre honoraire de la République. La démocratie congolaise est mise à rude épreuve. Aucun mot ne peut exprimer la tristesse et le chagrin que traverse la famille d’Okende, a réagi jeudi après-midi le professeur Shirandi. La police doit trouver ces tueurs et les traduire en justice, estime-t-il. L’opposition a 5 choix devant elle : la prison, la mort, l’exil, la résistance ou le combat. “Une attaque pour déstabiliser Katumbi. Pour Salomon, ce fût la prison et pour Okende la mort. Mes condoléances à sa famille”, écrit l’universitaire qui rappelle que le pays qui était dédié entre les mains de Dieu, avec des prophéties et tant des prières, est en régression démocratique. L’assassinat de Chérubin Okende Senga intervient au moment où l’économie du pays ne marche pas, la vie sociale est par terre et l’insécurité partout. Pendant ce temps la justice est malade…

Moïse Katumbi en larmes

Depuis la Côte d’Ivoire où il séjournait, Moïse Katumbi Chapwe a été contraint d’écourter son séjour et de revenir au pays. Ses premiers mots sont pleins d’émotions : “Très triste. C’est un assassinat politique pour Chérubin qui était la voix du parti. Quand on ne contrôle plus rien dans le pays, on arrête mes conseillers, on arrête mes partenaires, on tue et on veut nous réduire au silence. Nous n’allons jamais accepter cela. Nous allons mener une enquête indépendante pour savoir la vérité. On ne fait plus confiance à nos institutions”, a-t-il déclaré. Katumbi devrait atterrir au pays dans la matinée pour venir pleurer son conseiller, son collaborateur, son ami. “J’interromps mon séjour, je rentre. Chérubin est un frère, un homme honnête. Si la politique est synonyme de tuer, je suis très désolé. Un homme très pacifique, un père de famille, je suis obligé de rentrer au pays. Mais ce qu’ils ont fait à Chérubin ne restera pas impuni. C’était un guet-apens. Il aurait été kidnappé devant la Cour Constitutionnelle. Où allons-nous dans ce pays? Où est l’État de droit ? Si on doit tuer quelqu’un parce qu’il n’est pas d’accord avec la situation dans laquelle se trouve le pays, c’est grave”, a pleuré le leader d’Ensemble pour la République.

Indignation totale

Le décès tragique de Chérubin Okende suscite des vagues au sein de l’opposition politique congolaise. “Le député national Chérubin Okende a été assassiné par rapport à ses convictions politiques”, ont affirmé ses collègues de l’Opposition qui appellent la population à revendiquer contre ce crime crapuleux.

Organisations de défense des droits de l’homme alertées

Dans un communiqué rendu public jeudi soir, la Ligue africaine des droits de l’homme et des peuples (Ligadhop) dit avoir appris avec consternation ce jeudi 13 juillet 2023, l’assassinat, à Kinshasa, du député national et porte-parole du parti de l’opposition ”Ensemble pour la République” de Moïse Katumbi et ministre honoraire, Chérubin Okende. La structure citoyenne rapporte que “le corps du regretté a été retrouvé criblé de balles et mort dans sa jeep sur l’avenue Poids-Lourds, au Quartier Kingabwa, dans la commune de Limete”. En attendant que des enquêtes soient menées en vue d’identifier les auteurs de ce crime odieux, la Ligadhop recommande au président de la République de garantir réellement à chaque congolais la paix et la sécurité en cette période où la RDC traverse un vent de violence sans précédent et de baliser l’espace politique afin “que chaque acteur politique participe et concourt à l’exercice de la démocratie sans risque pour sa vie et celle de ses militants et sympathisants à la veille des élections générales”. L’organisation recommande à Félix Tshisekedi d’instruire le gouvernement de la République afin “qu’il soit mis fin à la terreur actuelle caractérisée par des enlèvements, des assassinats et de l’insécurité généralisée non seulement dans l’est de la République, mais à travers tout le Congo”. La vie humaine est sacrée et nous avons l’obligation de la protéger, conclut l’organisation.

Tshisekedi promet de sanctionner les coupables

Le chef de l’État congolais, Félix-Antoine Tshisekedi, dit avoir appris avec consternation la disparition, dans les conditions tragiques, de l’ancien ministre des Transports, désenclavement et voies de communication, Chérubin Okende. À travers un message sur Twitter de la présidence de la République, Félix Tshisekedi a présenté ses condoléances à la famille ainsi qu’aux proches de cet ancien membre du gouvernement et député national. Par ailleurs, il a enjoint la justice à faire toute la lumière sur ce dossier afin de sanctionner les coupables de cet acte ignoble. Au nom de l’Assemblée nationale, le président du bureau, Christophe Mboso N’Kodia, a, lui aussi, réagi au sujet de l’assassinat du député national Chérubin Okende Senga jeudi dans la matinée. “Au nom de la représentation nationale et à celui du président de la République, magistrat suprême, il demande au gouvernement, à travers ses services spécialisés, et à la justice d’ouvrir des enquêtes intégrales et inclusives dans tous les sens pour identifier et sanctionner dans toute la rigueur de la loi les auteurs de ce crime odieux”, a écrit le directeur de cabinet de Mboso dans un communiqué. Assassiné jeudi tôt le matin, la dépouille du député national, ancien ministre des Transports et porte-parole du parti Ensemble pour la République est gardée à la morgue de l’hôpital du cinquantenaire.

Chérubin Okende comme Charles Mwando Nsimba, deux anciens ministres fidèles et loyaux à Moïse Katumbi, avaient démissionné du gouvernement à la demande de leur parti Ensemble pour la République qui avait, quelques jours avant, claqué la porte de l’Union sacrée de la nation.

Patrick Mputu
OURAGAN/via CONGORELEVE.NET

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